Le duc d’Aquitaine infligeait il y a près de 1 300 ans une défaite sévère aux musulmans, portant un coup d’arrêt à l’expansion de l’islam en Occident.
Avant d’être arrêtés à Poitiers en 732, les Arabes sont une première fois stoppés à Toulouse en 721.
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[Par MARC FAYAD pour Le Point]
Certains événements de l’histoire de France semblent plus marquants que d’autres dans la conscience nationale. On cite régulièrement Poitiers en 732 ou Marignan 1515 en oubliant d’autres dates et faits qui incarnent pourtant des étapes décisives dans la construction de la France. C’est le cas de la bataille de Toulouse en 721.
Après avoir réglé leurs problèmes en Espagne avec les Wisigoths et installé leur suprématie dans l’Al-Andalus – ensemble des péninsules ibériques (Espagne plus Portugal) musulmanes -, les Omeyyades décident de se tourner vers la Gaule. Cette dynastie de califes qui gouvernent le monde musulman de 661 à 750 descend directement de l’oncle de Mahomet et affiche une claire volonté expansionniste. Et pourtant, une défaite symbolique va porter un coup de massue à l’avancée musulmane. À Toulouse, les Arabes subissent une terrible déroute face un résistant isolé, une première depuis les débâcles face aux Berbères de Kahena.
Toulouse isolée
Maître de l’Al-Andalus, Al-Samh ibn Malik al-Khawlani revendique les droits que les Wisigoths avaient au-delà des Pyrénées. Dès 719, ses hommes pénètrent dans le sud-ouest de la France et prennent rapidement Narbonne, Nîmes et Carcassonne, avant de conquérir la quasi-totalité de la Septimanie franque en 721. Il ne lui reste plus qu’à s’emparer de l’Aquitaine et de sa capitale mérovingienne rayonnante, Toulouse.
D’après les messagers d’Eudes duc d’Aquitaine, ceux qu’on appelait les Sarrasins pillent, violent et massacrent. Leur supériorité en nombre et en logistique terrifie Eudes, qui appelle à l’aide Charles Martel, alors maire du palais, duc et prince des Francs aux côtés du roi mérovingien Thierry IV. Martel reste sourd à ces appels, préférant se concentrer sur sa guerre avec les Austrasiens contre les Saxons. Pour faire face à la redoutable armée musulmane, le duc d’Aquitaine va partir avec ses hommes recruter des mercenaires vascons (basques) et quelques renforts de Neustrie et de Bourgogne. Le pape Grégoire II envoie à Eudes trois éponges bénites, utilisées pour récupérer les gouttelettes de vin tombées lors de la communion sur l’autel papal. Eudes découpe ces éponges en plusieurs petits morceaux et les donne à ingérer à ses troupes pour leur donner confiance à l’approche du combat.
L’audace du duc
Alors que Toulouse, assiégée depuis plusieurs mois, est sur le point de céder, Eudes d’Aquitaine tente une sortie héroïque le 9 juin 721. Confiante en sa supériorité, l’armée sarrasine avait installé son campement aux portes de Toulouse sur le territoire de la commune de Castanet. Compte tenu du déroulement des combats, elle ne défendait que faiblement son camp et n’utilisait pas d’éclaireurs. Ce 9 juin 721, l’effet de surprise est donc total. Les musulmans sont encerclés par l’armée d’Eudes, qui les attaque par les flancs et leur inflige de lourdes pertes. Chevaux et hommes, sang et poussière se mêlent dans une bataille où le bruit des cliquetis des armes s’élève à plusieurs lieues à la ronde. Bien qu’inférieurs en nombre, les chevaliers et combattants autour d’Eudes d’Aquitaine détruisent les rangs ennemis complètement désorientés. Les musulmans paniquent très vite et reculent avant de fuir en se dispersant. Leur chef, Al-Samh ibn Malik al-Khawlani, est rattrapé puis tué. Le siège de Toulouse est levé, les pertes omeyyades s’élèvent à environ 3 750 morts, tandis que 1 200 chrétiens gisent sur le sol.
Si l’histoire retient la victoire à Poitiers en 732, la défaite de Toulouse est probablement plus importante. Cette bataille est déterminante pour la suite des événements, notamment parce qu’elle offre le temps nécessaire à Charles Martel pour consolider son pouvoir et bâtir une armée afin de vaincre et déjouer les prochaines invasions.