[Le Figaro ] INTERVIEW – Arnaud Rousseau est président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Seine-et-Marne. Il est aussi agriculteur à Trocy-en-Multien.
LE FIGARO. – À quels types de vols avez-vous été confrontés ces derniers temps?
Arnaud ROUSSEAU. – La première cause de vol dans les campagnes porte sur le siphonnage de fioul dans les tracteurs ou dans les citernes. Les vols de matériel et d’engins sont aussi de plus en plus fréquents. Sans oublier la disparition d’animaux vivants dans les champs. Dans notre département, un agriculteur de Jaignes s’est fait voler sa pompe à eau chaude sur son nettoyeur haute pression. Une pièce qui vaut 1500 euros. Il n’est pas rare non plus de voir des moteurs d’irrigation ou des tronçons de câble téléphonique subtilisés. Toute une commune s’est ainsi retrouvée plusieurs semaines sans Internet. C’est un fléau qui touche l’ensemble des populations rurales. Il ne se passe plus une semaine sans qu’on évoque plusieurs cas de vol.
Est-ce un phénomène nouveau ?
Nous ne sommes plus à l’époque du vol de 5 kg de pommes de terre en bout de champ et des petits larcins. C’est une autre échelle. Pour voler une vingtaine de moutons dans une parcelle ou 400 litres de gasoil dans un réservoir de tracteur, nous avons à faire à des filières bien organisées qui peuvent écouler la marchandise ensuite. Depuis deux ou trois ans, il n’est plus question de laisser un engin agricole en plein champ à la fin de la journée. Dans le meilleur des cas, vous le récupérez le lendemain en panne sèche. Cela nous inquiète beaucoup. Géographiquement, des lieux sont plus exposés que d’autres. Autour des grands axes routiers, la proportion de vols est très élevée. C’est ainsi le cas dans les zones périurbaines.
Quel est l’état d’esprit actuel dans les campagnes face au vol ?
On se sent un peu violé dans son intimité. Quand à 3 heures du matin vous vous trouvez face à deux intrus dans votre cour en train de forcer la porte de votre atelier, ce n’est pas très agréable. Nous sommes très agacés parce qu’on s’en prend à notre outil de travail. Nous ressentons un fort sentiment d’insécurité, car nous assistons à une forme d’incapacité de la gendarmerie à mettre fin à ces vols par manque d’effectifs. Nous sommes aussi face à une forme de banalisation de ces vols, qui restent impunis. Dans le meilleur des cas, quand les voleurs sont arrêtés, ils sont relâchés le lendemain avec des risques de représailles notamment de la communauté des gens du voyage. De plus en plus d’agriculteurs exaspérés parlent de se faire justice eux-mêmes. On n’entendait pas cela avant.
Quels moyens prenez-vous pour diminuer ces malveillances ?
Inspirés de ce qui a été fait dans le bâtiment, où les vols de chantier se sont multipliés il y a quelques années, nous avons mis en place des moyens de prévention que nous recommandons à nos adhérents. Cela va du phare de détection de mouvements dans les cours de ferme, à la pose d’alarmes ou, tout récemment, à l’échange d’informations entre nos délégués et les forces de l’ordre. Je me réjouis que les contacts au plus haut niveau aient eu lieu la semaine dernière entre la FNSEA et la gendarmerie sur le sujet. En Seine-et-Marne, c’est une première, le colonel commandant le groupement de gendarmerie va venir lors de notre prochain conseil d’administration. Nous voulons une stricte application de la loi pour les voleurs, car si la sensation d’impunité perdure, cela poussera les gens à des comportements extrêmes.