10 avril 1312, Lyon devient français.
Lyon était capitale des Gaules à l’époque romaine et siège du Primat des Gaules, autrement dit du chef de l’Église gallicane, aux premiers temps de la chrétienté. Ce titre honorifique fut d’ailleurs confirmé par le pape Grégoire VII à son archevêque au XIe siècle et ses successeurs le portent encore.
On eut alors difficilement imaginé que Lyon put se détourner de l’hexagone et se rapprocher de l’empire germanique. C’est pourtant ce qui arriva à la faveur des partages de l’empire de Charlemagne, à la fin du IXe siècle.
C’est seulement à la fin du Moyen Âge que l’opulente cité entre pour de bon dans la mouvance française. Elle n’y a pas trop de mal, ses habitants parlant un dialecte roman plus proche du français de Paris (la langue d’oïl) que de l’allemand d’outre-Rhin.
Les historiens ont coutume de fixer ce moment crucial à la date du 10 avril 1312. Ce jour-là, dans une déclaration solennelle, l’archevêque Pierre de Savoie transmet officiellement au roi Philippe IV le Bel tous ses pouvoirs judiciaires et politiques sur la ville et le Lyonnais.
Loin du pouvoir, loin des soucis
Lors du partage de l’empire carolingien, Lyon et ses environs ont été intégrés dans la Francie médiane ou Lotharingie, comme toute la vaste région qui s’étend du Jura à la Méditerranée, et des sommets alpins au Rhône et à la Saône. Cette région, devenue royaume de Bourgogne Provence, a été léguée par son dernier souverain au titulaire du Saint Empire le 6 septembre 1032. C’est ainsi que Lyon et le Lyonnais deviennent terre d’Empire.
Au confluent du Rhône et de la Saône, entre Méditerranée, Jura et Forez, la cité est promise à un opulent avenir avec le développement des échanges commerciaux. Sa situation, à cheval sur le Saint Empire et le royaume capétien, loin des centres de pouvoir, lui permet d’acquérir une très grande indépendance et d’échapper à la convoitise des grands barons féodaux.
Ses archevêques en tirent profit et partagent avec les bourgeois l’administration de la ville, tout en reconnaissant une vassalité de façade envers l’empereur. Lyon est alors en passe de devenir une principauté ecclésiastique comme il y en a déjà beaucoup de l’autre côté du Rhin.
L’archevêché est établi au pied de la colline de Fourvière. En 1173, l’évêque et ses chanoines font reconstruire à cet endroit la primatiale Saint-Jean, l’actuelle cathédrale.
Au siècle suivant, en 1245, le pape Innocent IV y réunit un grand concile universel au terme duquel, le 17 juillet 1245, il prononce la déposition de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen. C’est le dernier acte de la querelle des Investitures, qui a mis aux prises pendant deux siècles les papes et les empereurs.
Soucieux de leur sécurité, le pape et les cardinaux de la curie (le gouvernement pontifical) ne quittent Lyon qu’en avril 1251. Pendant six ans donc, la ville, grâce à sa situation frontalière, devient le siège de la chrétienté occidentale. Avec la fin de la dynastie impériale des Hohenstaufen débute en Allemagne le Grand Interrègne.
Cette crise institutionnelle va favoriser la mainmise progressive du roi de France sur Lyon. Le Saint-Siège, à son corps défendant, y concourt en rappelant régulièrement que la ville n’est pas seulement une terre d’Empire mais aussi la «métropole des Gaules».
En février 1270, peu avant sa mort, le roi Louis IX (futur Saint Louis) est appelé en qualité d’arbitre par les chanoines de l’archevêché et les bourgeois de la ville, en conflit les uns avec les autres. Ainsi s’installe l’idée que le roi de France n’est pas tout à fait étranger dans la ville. Quand son successeur Philippe III le Hardi passe par la ville l’année suivante, de retour de la croisade de Tunis, les bourgeois «supplient humblement la majesté royale de daigner les prendre sous sa garde spéciale» et pour la première fois se proclament «du ressort de notre seigneur l’illustrissime roi de France».
Le roi, l’évêque et le pape
Dès l’année suivante, le roi, prenant les bourgeois au mot, installe sur place un «gardiateur» (un officier garant de la protection royale) et exige du nouvel archevêque Pierre de Tarentaise qu’il lui rende hommage en qualité de vassal.
Tout cela n’est pas pour plaire au pape, qui apprécie le statut particulier de la ville-frontière et la possibilité de s’y réfugier en cas de trouble à Rome. D’ailleurs, dès 1274, le pape Grégoire X réunit dans la primatiale, sur les bords de la Saône, le troisième grand concile du siècle après celui de 1215, à Rome, et celui de 1245. Pas moins de 500 évêques et un millier de prélats y discutent d’une éventuelle croisade contre les Turcs.
La situation se corse avec le roi Philippe le Bel. Pionnier de la séparation de l’Église et de l’État, il conteste au pape Boniface VIII le droit d’intervenir dans ses affaires, ce qui vaut au malheureux souverain pontife d’être, dit-on, giflé à Anagni par le conseiller du roi. Secoué, il meurt peu après.
Pour plus de tranquillité, Philippe le Bel pousse le conclave à élire un pape français. C’est Bertrand de Got, qui se fait couronner… à Lyon, le 1er novembre 1305, sous le nom de Clément V. Avec dès lors, le roi va pouvoir avancer ses pions.
En 1312, comme l’archevêque de Lyon refuse de prêter serment au roi de France et d’obéir à ses officiers, Philippe le Bel envoie contre lui une armée sous le commandement de son fils Louis, futur Louis X le Hutin. Le 10 avril, après un siège de trois mois, l’archevêque se soumet et transmet ses pouvoirs civils et judiciaires au roi.
La ville reçoit du roi une charte communale. La bourgeoisie va dès lors s’enrichir et prospérer du fait d’une situation exceptionnelle au croisement des routes vers le bassin parisien, les Flandres, l’Italie et la Rhénanie. Ses foires et ses établissements bancaires vont devenir parmi les plus réputés d’Europe et rivaliser avec sa voisine Genève.
La «Sapaudine» fait de Lyon une ville française
En 1316, Lyon se prête une nouvelle fois au couronnement d’un souverain pontife en la personne de Jean XXII. Enfin, le 21 juin 1320, l’insubmersible archevêque Pierre de Savoie se voit contraint par le nouveau roi Philippe V le Long – et son armée – de promulguer la charte dite «Sapaudine» (de Savoie). Celle-ci confirme les privilèges des métiers et surtout consacre la réunion de Lyon au royaume de France.
L’anniversaire de cet événement donne lieu à des festivités folkloriques qui rassemblent les représentants des «pennons», autrement dit des enseignes des corps de métiers lyonnais.
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Catholique et Français, Toujours !