Plus de cent chefs-d’œuvre peints, au XVIIe siècle, pour les églises de Paris sont réunis au musée Carnavalet.
Si, parmi les sublimes expositions parisiennes de cette rentrée, celle-ci était la plus audacieuse et la plus inattendue? En apparence l’idée est simple, en dehors de toutes les modes: réunir, en pleine lumière, des chefs-d’œuvre peints, au XVIIe siècle, pour les églises de Paris. Des tableaux souvent de grand format, qu’on découvre accrochés à hauteur des yeux, comme nul ne les a jamais vus, même à l’époque. Des toiles de Poussin, Philippe de Champaigne, Simon Vouet, Laurent de La Hyre, Lubin Baugin, les plus grands, sans oublier Charles Le Brun, avec ces bleus profonds, ces grands traits de rose pur, ces éclats d’or, ces rideaux rouges, dans toute leur gloire. Le Paradis pour ceux qui aiment la peinture.
Pour arriver à ce résultat, il a fallu l’ardeur d’un chercheur passionné, Guillaume Kazerouni, qui depuis dix ans prépare ce triomphe, le travail acharné du service de la Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris – on dit la Coarc entre initiés, en imitant les grenouilles de Platée – et l’enthousiasme des conservateurs du Musée Carnavalet. Ils ont «bichonné» les tableaux qui, ces dernières semaines, sont arrivés de Saint-Étienne-du-Mont, de Saint-Gervais-Saint-Protais ou de la petite église de Montigny-Lencoup, en Seine-et-Marne. Le Charles de La Fosse du bureau du général-directeur du Musée de l’armée a été restauré, il irradie, ce sont des trompettes et des orgues. Dans la salle voisine résonne la musique plus tendre d’un Eustache Le Sueur venu de l’église Saint-Roch, ou la pure poésie d’un ex-voto de Louis I de Boullogne. Au centre de l’exposition, une nef évoque Notre-Dame. Kazerouni y a accroché des esquisses et des versions réduites des fameux «mays», ces tableaux offerts par la corporation des orfèvres qui coloraient les voûtes de la vieille cathédrale.
La collection de plus de cent très beaux tableaux ainsi réunie à Carnavalet est digne d’un des plus grands musées du monde. À l’exception de quelques joyaux de collections privées et de prêts d’autres institutions, ces merveilles étaient sous nos yeux, nul ne les regardait plus. Quelques églises, Saint-Eustache, Saint-Nicolas-des-Champs, Saint-Joseph-des-Carmes, ouvrent, pour que la fête soit complète, des chapelles récemment restaurées. Précipitez-vous, le Ciel ne peut pas attendre.